Analyse de « Les Valseuses » de Bertrand Blier : Une critique à l’ère du mouvement #MeToo

Arts & Culture

Provocation misogyne ou expression exubérante de la liberté sexuelle ? Sorti en 1974, le film « Les Valseuses » de Bertrand Blier continue de susciter des débats intenses, surtout à la lumière du mouvement #MeToo et des discussions contemporaines sur la représentation des femmes dans le cinéma.

Dès son titre, évocateur et audacieux, ce film emblématique de Blier, disparu récemment à l’âge de 85 ans, annonce son caractère insolent et sulfureux. Ce road-movie met en scène un trio atypique composé de deux marginaux audacieux (Gérard Depardieu et Patrick Dewaere) et d’une jeune femme réservée (Miou-Miou). À une époque marquée par la montée du féminisme et la libération des mœurs, le film, adapté d’un roman de Blier publié deux ans auparavant, a choqué les critiques tout en captivant le public avec près de 6 millions de spectateurs.

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Relecture contemporaine à l’heure de #MeToo

De nos jours, certaines répliques comme « Y a bien un cul qui nous attend quelque part » et des scènes telles que celle où Dewaere est contraint de téter le sein de Brigitte Fossey, sont considérées par certains comme l’exemple même du sexisme sans filtre de l’époque.

Geneviève Sellier, universitaire spécialisée dans les questions de genre, perçoit le film comme une « glorification du masculinisme dans sa forme la plus grossière et provocatrice ». Elle déclare à l’AFP : « Blier a réussi à contrer le mouvement féministe avec le personnage de Miou-Miou, réduit à un statut d’objet sexuel inerte, tout en masquant des agressions sous un ton burlesque et les caractéristiques sociales des personnages masculins. »

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En 2020, sur la plateforme Cinétek, le réalisateur Cédric Klapisch refusait de considérer « Les Valseuses » uniquement à travers son prisme machiste, qu’il reconnaissait pourtant. « Il y a une dimension du plaisir féminin qui est rarement abordée dans d’autres films », expliquait-il, vantant également une « liberté de ton déconcertante » mais « stimulante ». « Cela pousse l’idée de liberté à l’extrême », ajoutait-il.

Réactions contrastées autour du film

Sur Europe 1, en février 2024, Miou-Miou se souvenait du tournage des Valseuses, émaillé de « conflits » et de méthodes qu’elle qualifiait de « très humiliantes » de la part de Blier, mais elle restait ferme : « Bien sûr qu’il faut diffuser Les Valseuses. » Brigitte Fossey, lors d’une interview sur France 2 en mars de la même année, avait refusé de revoir la scène du train, la jugeant « inacceptable ».

Dans une discussion sur Konbini en 2022, Bertrand Blier ne rejetait rien de la « violence singulière » de son film, en résonance avec « Orange Mécanique » de Kubrick. Il se souvenait d’avoir été accusé de « nazi » à l’époque. Pour lui, son œuvre est un reflet de « l’abrutissement récurrent des hommes à travers les âges ». Il concluait : « C’est un film qui a suscité amour ou haine, car il affrontait les sujets frontalement, avançant comme un rebelle durant une heure et demie. »

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