La Ligue des droits de l’homme (LDH) a déposé une plainte auprès du parquet de Paris, le jeudi 13 février, contre Apple. Cette action judiciaire accuse l’entreprise de collecter massivement des enregistrements via son assistant virtuel Siri. Émanant d’un ancien employé devenu lanceur d’alerte, la plainte dénonce des atteintes à la vie privée, un traitement illégal des données personnelles, et des pratiques commerciales trompeuses.
Cette démarche en France survient alors qu’Apple est déjà sous le feu des critiques aux États-Unis. En effet, le 14 février, la justice californienne doit statuer sur la class action « Lopez vs Apple ». Ce recours collectif reproche à Apple d’enregistrer et de conserver sans consentement les conversations privées de ses utilisateurs, et ce, à des fins commerciales. Pour éviter de nouvelles poursuites, Apple prévoit un fonds d’indemnisation de 95 millions de dollars pour ses clients américains, leur offrant une compensation de 20 dollars par appareil concerné, sous réserve de l’approbation judiciaire.
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Un vaste programme d’analyse des enregistrements
La plainte de la LDH repose largement sur le témoignage de Thomas Le Bonniec, un ancien employé du projet Crowd Collect. Ce programme vise à améliorer l’efficacité de Siri grâce à un réseau mondial d’analystes. Avant ses révélations, les utilisateurs ignoraient l’ampleur de ce travail d’écoute et de transcription. En 2019, Thomas Le Bonniec est recruté par Globe Technical Services en Irlande, où il travaille avec de nombreux autres analystes pour corriger et annoter les enregistrements Siri. Chaque analyste devait traiter environ 1 300 enregistrements par jour avec une précision minimale de 90%.
Le Bonniec explique que les analystes devaient identifier les enregistrements accidentels, souvent déclenchés involontairement, et les annoter en fonction des données personnelles contenues dans les appareils. Ce processus incluait le balisage manuel des commandes pour améliorer la reconnaissance vocale de Siri. Selon la plainte, des millions d’enregistrements ont été traités par Globe Technical Services, et les pratiques d’Apple seraient contraires au Règlement général sur la protection des données (RGPD).
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Révélations sur des conversations intimes
Durant son contrat, Le Bonniec et ses collègues ont écouté de nombreux enregistrements personnels. Ces enregistrements incluaient des conversations privées couvrant des sujets sensibles tels que la santé, la politique ou des détails financiers. Le guide des employés de GTS les avertissait de la nature potentiellement choquante de ces enregistrements. Suite à un incident impliquant un enregistrement à caractère sexuel, Le Bonniec a décidé de quitter l’entreprise et de rompre sa clause de confidentialité pour dénoncer ces pratiques.
Malgré les tentatives de Le Bonniec pour alerter les autorités, aucune enquête approfondie n’a été lancée. En août 2019, Apple a annoncé la suspension de son programme d’évaluation de Siri et a depuis modifié ses pratiques pour respecter le consentement des utilisateurs. La firme affirme que les données Siri traitées ne permettent pas d’identifier les utilisateurs et n’ont jamais été vendues.
Doutes persistants chez les utilisateurs
Malgré les déclarations d’Apple, certains utilisateurs restent sceptiques. Jérôme, un utilisateur français, a partagé son expérience où une conversation privée semblait avoir influencé les publicités reçues sur ses applications. Cette situation nourrit le doute sur l’utilisation potentielle des données par Apple à des fins publicitaires.
Luc Julia, co-créateur de Siri, a exprimé que le traitement humain des données est nécessaire pour améliorer la technologie, mais il doute que ces données soient utilisées pour cibler les utilisateurs avec des publicités. Il pense qu’Apple éviterait de risquer sa réputation pour une telle pratique.
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